L’Alliance et l’arc-en-ciel

(Genèse 9)     

Après le Déluge et que Noé et sa famille soient sortis de l’arche avec les animaux :

Dieu bénit Noé et ses fils, il leur dit : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre». (Gn 9, 1)

1.Une même bénédiction pour tous.tes

Dieu scelle ce nouveau départ de l’humanité en bénissant tous les êtres vivants (Gn 9, 1 à 7).

Tous sont accueillis et invités à « croître et se multiplier », donc à s’épanouir avec leur force,  à développer toutes leurs potentialités et à avoir une descendance. Non pas certains plutôt que d’autres : tou.te.s peuvent vivre sous le signe de cette bénédiction qui donne protection et possibilité de créativité.

On peut faire le parallèle avec la thématique du mariage pour tous : une même « bénédiction » offerte à tou.te.s, une égalité de traitement pour tous les humains, sans distinction de genre, de race, de condition.

La fin du paragraphe le réaffirme : Et vous, soyez féconds, multipliez-vous et répandez-vous en grand nombre sur toute la terre (v. 7). L’invitation à croître et se développer est faite à tou.te.s. Le verbe hébreu : se multiplier suppose non seulement un accroissement en nombre, mais aussi en importance. Aux yeux de Dieu, chacun est précieux dans son unicité et sa contribution spécifique.

Tout être est créé par Dieu, voulu de Dieu, il porte son empreinte et a reçu une vocation unique.

2. Seule interdiction : la violence !

Dans ce chapitre 9 de la Genèse, la seule limite indiquée aux humains, et également aux animaux d’ailleurs, concerne le recours à la violence : ne pas répandre le sang de l’être humain (Gn 9, 6). Il s’agit donc avant tout de respecter la vie de l’autre, de ne pas prendre l’ascendant sur lui, de ne pas le vampiriser ou le phagocyter, mais de respecter son altérité, le mystère de sa vie (son sang), même s’il m’apparaît étrange, « queer» !

Dieu dit encore à Noé et à ses fils : « Quant à moi, j’établis mon alliance avec vous et avec tous vos descendants… il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre ».(Gn 9, 8 -11)

3. Une même alliance offerte à tou.te.s

Comme la bénédiction, l’alliance concerne tous les vivants. Après la bénédiction vient l’alliance !! Comme une conséquence « logique ». Étonnant ce jeu de significations et d’applications possibles ! Nul n’est exclu. La direction du texte va, non vers l’exclusion de certain.e.s, mais vers l’inclusion de tou.te.s.

Dans le contexte, cette alliance n’est pas une entente entre deux parties, mais l’engagement unilatéral de Dieu en faveur de tout le vivant, tout l’humain, l’animal, le végétal, toute la terre.

L’alliance est universelle, pérenne et inconditionnelle.

Donc la possibilité d’une alliance ou d’un mariage pour tou.te.s m’apparaît comme une conséquence logique de cette initiative divine.

Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre vous et moi, et avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous, pour toutes les générations à venir :

J’ai suspendu mon arc dans la nuée, et il sera le signe de l’alliance entre moi et la terre, le signe de l’engagement que j’ai pris à l’égard de la terre. » (Gn 9, 12-13)

4. L’arc-en-ciel : unité et diversité

L’eau et la lumière sont des opposés. Leur rencontre dans l’arc-en-ciel fait apparaître que la lumière n’est pas uniforme mais multiforme. Elle est non pas uniformité, ni même polarité binaire, mais infinité de nuances et de variantes.

Chaque personne a donc le droit de sentir la bonté de Dieu sur elle-même et sur son existence avec ses orientations, comme les sept couleurs différentes de l’arc-en-ciel. Aucune n’est exclue, même celles que l’on ne voit pas, le rayonnement ultraviolet par exemple. Il faut la couleur de chacun.e pour que la lumière de l’unité puisse se révéler. Acceptation et bienveillance donnent force et éclat.

La lumière est donc une unité dans la diversité des sept couleurs et +. L’humanité est comme un arc-en-ciel qui ne peut vivre son unité qu’une fois la « couleur » de chacun.e reconnue et acceptée. Il y a un réel besoin de cet accueil-là après la violence du déluge que vient de traverser la terre (v. 15).

« Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc-en-ciel apparaîtra au milieu de la nuée, alors je me souviendrai de mon alliance avec vous et avec tous les êtres vivants, et les eaux ne produiront plus le déluge pour anéantir la vie. »(Gn 9, 14-15)

5. Dieu renonce à la violence

Dieu déclare ici comme au v. 13 qu’il a suspendu son arc (une arme de guerre) dans la nuée. Il prend l’engagement de « ne plus menacer » l’humanité (Es 54): chacun.e peut donc se sentir en sécurité tel.le qu’il ou elle est, sans craindre les foudres d’en haut.

Comme Dieu  a fait l’être humain à son image (Gn 9, 6), nous sommes  nous aussi appelés à renoncer à la violence : celle de l’exclusion, de la domination, du discours unique etc… C’est la seule limite, la seule exigence qu’indique ce texte : renoncer à la prise de pouvoir sur l’autre. Vivre non pas dans la concurrence, la menace de l’autre, mais dans l’acceptation de la différence et la complémentarité.

L’arc-en-ciel devient un signe de protection face aux déluges de toutes sortes, aux forces du mal, du chaos et du néant, qui menacent sans cesse de ré-envahir notre monde.

Et Dieu répéta à Noé : « L’arc-en-ciel est le signe de l’alliance, l’engagement que j’ai pris à l’égard de tous les êtres qui vivent sur la terre. »(Gn 9, 17)

6. Une diversité garantie et protégée

L’arc-en-ciel, c’est le signe que Dieu s’engage à protéger et favoriser la diversité de la création, de l’humanité, révélée et déployée dans ses infinies possibilités, comme les   sept couleurs de l’arc-en-ciel manifestent qu’une abondance de nuances (sens du chiffre 7 en hébreu) est possible.

« Chaque humain est créé dans sa différence, aimé dans sa singularité et appelé à vivre aux côtés de son prochain dans la complémentarité de leurs couleurs respectives » (Antoine Nouy, L’Aujourd’hui de la Création, Réveil Publications, p. 233). L’arc-en-ciel est le signe de la grâce, de l’engagement de Dieu en faveur de la vie sous toutes ses formes, de son invitation à associer l’humain à Sa non-violence pour vivre dans la même diversité et l’harmonie que ses sept couleurs.

7. Pour nous aujourd’hui

Dans le contexte qui est le nôtre, le signe de « l’arc-en-ciel » nous invite à accueillir, respecter et inclure les différences. L’évolution de notre société doit suivre cette ligne de crête dégagée par ce texte de Genèse 9 :

  – accueil de toutes les identités avec leurs forces et leurs capacités, 

  – bénédiction, 

  – alliance inclusive, 

  – refus de toute prise de pouvoir sur l’autre « différent ».

Voilà ces quelques réflexions qui me viennent dans l’élan de Gn 9, 1-17 et qui peuvent éclairer notre thématique actuelle et les prochaines votations du 26.09.21.

                                                                                                                Thérèse Glardon

Thérèse Glardon est professeure d’hébreu et formatrice d’adultes. Elle a enseigné à la Faculté de Théologie de Lausanne pendant dix ans et à l’Atelier romand de langues bibliques depuis vingt ans. Elle anime des groupes et retraites intégrant Bible, existence et spiritualité. Auteure de « Ces crises qui nous font naître » (Labor et Fides, 2009), « Ces Psaumes qui nous font vivre » (Ouverture, 2014), et « Cet amour qui nous grandit » (Labor et Fides, 2020).